Aïkidô & Aïki-Jutsu Print
  
Wednesday, 24 March 2010 11:52
C'est en 2005 que Vincent et Philippe BRAJDIC poussèrent pour la première fois la porte de notre Dôjô. Pratiquants plus que confirmés d'un Aïki-Jutsu issu de la tendance Hakkô-Ryû ("Ecole de la Huitième Lumière"), ils cherchaient à enrichir leur pratique sans l'abandonner ni la modifier, simplement en ajoutant à leur éventail de travail un aspect plus libéré, plus fluide, moins doctrinal peut-être tout en restant cohérent et plutôt réaliste. La visite de plusieurs Dôjô d'Aïkidô les avait laissés sceptiques, et finalement le contact personnel que nous avions eu avec eux les avait encouragés à tenter l'expérience, et plus tard à la prolonger.
 
C'est ainsi que je fus amené à leur rendre visite une fois le mois dans leur Dôjô de Collégien, en Seine-et-Marne, et à les initier au mouvement en spirale tel que nous le pratiquons dans notre Ecole.
 
Dans un premier temps, il s'agissait de jeter des passerelles entre notre pratique et la leur, car l'on ne saurait passer du mouvement statique très structuré à une forme circulaire dans laquelle le pratiquant non entraîné peine à trouver ses marques, et à maintenir son équilibre dans le mouvement.
 
Il fallut donc adapter un tant soit peu les techniques, revenir à des formes légèrement plus statiques mais tout en restant fluide, autrement l'on en serait revenu à une pratique de type Jutsu. Challenge auquel est habitué l'enseignant d'Aïkidô, qui doit toujours composer avec un public varié, et faire en sorte qu'une séance soit profitable tout autant au nouveau venu qu'au pratiquant déjà bien entraîné.
 
D'une séance sur l'autre, je voyais avec intérêt la pratique des Aïki-Jutsu-ka se fluidifier, devenir plus cohérente aussi dans l'application de la technique, notamment en ce qui concerne le fameux équilibre dans le mouvement.
 
Lorsque nous avons abordé des techniques très spécifiques à l'Aïkidô, comme Irimi Nagé ou Kaiten Nagé, j'ai été sincèrement saisi par la cohérence de leur approche du mouvement, et en constatant la fluidité du KI qui emplissait le lieu de pratique, rendant perceptible et presque palpable l'énergie qui circulait entre les adeptes, tel un puissant vent d'harmonie, je me suis dit que nos amis de Collégien avaient une pratique de l'Aïkidô que pourraient leur envier bien des Aïkidôkas.
 
C'est après quatre ou cinq visite à leur Dôjô que nous en vinmes à envisager un échange.
 
D'abord, mes amis furent réticents, modestes qu'ils sont : "Oh... Mais nous ne pourrions vous démontrer que des formes élémentaires par rapport à ce que vous pratiquez habituellement..." Ils finirent cependant par accepter de venir diriger un cours chez nous, et ils durent probablement de ce fait adapter légèrement leurs mouvements de manière à nous les rendre accessibles.
 
Peut-être ce fait contribua-t-il par ailleurs à cette évolution qu'ils souhaitaient de leur côté? Dans ce cas tout le monde serait content, et le principe de l'échange n'en trouverait que plus de sens.
 
Des mouvements élémentaires, disaient-ils? C'est à voir... Si beaucoup d'Aïkidokas pèchent par leur manque évident de bases solides et structurées (une pratique fluide ne trouvant de sens qu'à la condition expresse que le centre soit bien structuré, ce qui est sous-entendu dans l'Aïkidô conçu par Maître UESHIBA après soixante ans d'ascèse, mais n'existe quasiment plus chez nombre d'Aikidokas qui ont  de ce fait des bases singulièrement biaisées --- quand ils en ont), l'Aïki Jutsu professé par Vincent BRAJDIC est du plus haut intérêt, précisément par la très grande solidité de sa structure.
 
Je dois dire que, comme tout un chacun, j'avais eu l'occasion d'assister à des démonstrations d'Ecoles de Jû Jutsu directement importés du Japon (à démarquer du Ju jitsu --- prononcez "j'eus gît dessus" --- habituellement enseigné, salmigondis de jûdô, karaté, aïkidô et plus si affinitaires n'ayant rien à voir avec les méthodes japonaises classiques) dont l'anachronicité m'avait laissé dubitatif. Formes figées, exclusivement démontrées sous forme de katas, par des pratiquants au niveau moyen qui affichaient tous fièrement les caractères Shi-Han sur la manche gauche. En l'occurence, le mot était à prononcer à la française, car ce qui était démontré l'était souvent, trop souvent !
 
Rien à voir avec tout cela chez nos amis; et en les voyant nous enseigner leurs techniques, toujours du plus haut intérêt (un exemple: parmi les Aikidokas "classiques", qui sait que le Yonkyô se pratique d'abord en pointant le poignet du partenaire vers le Ciel avant de le redescendre dans une courbe souple mais ferme en direction du sol? Essayez, vous comprendrez...), dont les formes carrées perdaient peu à peu leurs angles, je me suis à plusieurs reprises fait la remarque qu'ils étaient en train d'inventer l'Aïkidô. Le propos est peut-être osé, mais c'est bien dans cette direction qu'ils avancent.
 
Raison de plus pour suivre leur évolution avec intérêt !  Tous les Aikidokas souhaitant tenter l'expérience sont bien sûr invités à se joindre à nous; calendrier disponible sur notre Site. Une seule condition : être habité du désir d'apprendre, et être capable de se remettre un tout petit peu en question. Allons, allons, cela ne peut faire de mal à personne.
 
Pascal OLIVIER.