C'est dans la matinée de samedi que Pascal OLIVIER a accueilli Maître SHIMIZU à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, accompagné comme l'an passé de son fils Kenta, dorénavant appelé "Waka-Sensei" (le Jeune Maître) depuis son entrée au Dôjô en 2006 en qualité d'Elève permanent. Madame Birgit SHIMIZU les accompagnait également.
Tous trois terminaient une tournée européenne particulièrement chargée: aux traditionnelles escales allemandes (Hamburg, Munich, ainsi que deux semaines de Stage-Séminaire en Forêt Noire) s'ajoutaient la Serbie et la Slovénie; le détour par Ozoir avait été consenti à la demande de Pascal OLIVIER, désireux de renouveler l'expérience de 2008.
La venue de Maître SHIMIZU avait alors en effet suscité un très grand intérêt de la part de nombreux Aikidokas français et étrangers.
Après un généreux plat de "riz au curry" à la japonaise, préparé de façon magistrale par Mlle. TAKANO, proche amie japonaise qui tenait par ce biais à rendre hommage au grand Maître, nos trois hôtes ont eu le temps de faire une pause bien méritée (ils avaient quitté la Forêt Noire à 4h30 du matin pour se rendre à Zurich) tout en appréciant le calme du village de Seine-et-Marne où Pascal les logeait cette fois dans sa vaste maison; un environnement hautement apprécié par Maître SHIMIZU qui avait passé plus de trois semaines d'hôtel en hôtel, avec le manque d'intimité que cela implique.
Le Sensei et sa suite sont arrivés au Dôjô trente minutes environ avant le début du Stage. Un petit détour par le vestiaire des VIP, et le Maître était prêt en un temps record, éminescence du temps où, Uchi-Deshi du fondateur de l'Aïkidô, il devait être prêt en toutes circonstance à parer à toutes les situations possibles lorsqu'il accompagnait le vieux Maître dans ses nombreux déplacements et démonstrations.
Un nombre considérable d'Aïkidôkas avaient répondu à l'appel, représentant les principales Ecoles d'Aïkidô présentes dans notre pays; un public parfaitement
hétéroclite, puisque des quasi-débutants côtoyaient des professeurs chevronnés ayant parfois plus de quarante années de pratique...
Nombre de pratiquants étaient en outre venus d'Allemagne, de Belgique et des Pays-Bas.
Et tout ce monde se retrouvait pour communier (au sens propre) par le biais de techniques parfois très simples mais ô combien subtiles, surtout lorsqu'elles étaient
démontrées de façon déconcertante par le Sensei. Tous les Ikkyô, Irimi Nage, Kote Gaeshi et autres Shihô Nage, Kokyû Nage que l'on se targue bien souvent
de "connaître", ne nous étaient-ils pas démontrés là de manière tellement évidente, fluides, souples sans aucune concession ni surtout aucun temps mort, sans la
moindre possibilité pour Uké de réagir ou répondre pendant l'application des mouvements.
Maître SHIMIZU, comme à son habitude, a agrémenté ses démonstrations toujours époustoufflantes d'aisance et de naturel, de longs propos destinés à nous enseigner ou remémorer les principes immuables du Budô, que l'on retrouve non seulement dans l'Aïkidô mais également dans toutes les disciplines que nous a léguées le Japon post-ère Meiji.
Insistant sur le socle que constituent les trois piliers de la pratique:
CHI (la Sagesse qui transcende la Connaissance acquise au fil de longues années de pratique incessante),
JIN (la Compassion, incluant la faculté de pardonner à son prochain, sans laquelle tout rapport ne serait que conflit),
YÛ (le Courage, non seulement dans les moments critiques de l'existence, mais aussi dans les actes quotidiens et lorsque l'on est face à soi-même: vivre sans
mentir et sans se mentir), le Sensei a multiplié les anecdotes et propos illustrant ses dires, pour le plus grand bonheur des Aïkidôkas présents qui pour certains
entendaient pour la première fois parler de l'importance de l'état d'esprit (SEISHIN) dans l'approche de la pratique, et autres sujets incontournables trop rarement évoqués dans le Budô d'aujourd'hui.
Les propos du Maître étaient traduits du japonais par Pascal OLIVIER, élève de Maître SHIMIZU depuis 1984, qui non seulement s'exprima en français, mais également en anglais afin de rendre accessible à tous les visiteurs étrangers les propos du Sensei.
Maître SHIMIZU, pendant les deux jours que dura le Stage, utilisa exclusivement pour les démonstrations techniques son fils et disciple Kenta SHIMIZU (26 ans, inscrit à l'Aïkidô depuis l'âge de 8 ans mais pratiquant assidûment depuis une dizaine d'années), expliquant que c'est en prenant le maximum de Ukémi (chutes, incluant la faculté de s'adapter instantanément à l'évolution de la technique) que lui-même avait été formé à la dure école de Maître UESHIBA...
Ce qui lui apparaissait souvent alors comme étant une contrainte devait déboucher des années plus tard sur une compréhension très complète de l'Aïkidô dont nous pouvons effectivement constater le résultat dans tous les aspects de sa pratique:
kamaé (position de garde), ma-aï (distance physique et intuitive par rapport au partenaire), kokyû (vaste notion incluant la souffle, mais aussi la faculté d'agir au bon moment --- "timing" --- sans jamais être en retard; capacité aussi d'absorber le mouvement du partenaire et de l'inclure dans notre propre sphère de travail).
Nombreux sont les pratiquants qui ont pu ainsi goûter les délices du keiko (entraînement) avec le fils du Maître, à la fois si puissant, si souple; si bienveillant aussi, respectant toujours ses partenaires (il nous a confié après l'entraînement qu'il ne faisait aucune différence dans son attitude mentale et physique, qu'il se trouve face au Sensei ou face à n'importe quel partenaire; n'est-ce pas là un enseignement à prendre en compte et à mettre en pratique dès à présent?) tout en les guidant toujours sur le droit chemin en tenant compte de leur niveau.
Un niveau impressionnant acquis au prix d'une abnégation et d'un don de soi consenti jour après jour depuis plusieurs années maintenant... On comprend pourquoi on le retrouve à chaque fois plus centré, plus puissant, plus entier dans sa pratique et dans son approche.
Madame Birgit SHIMIZU, discrète mais ô combien présente, Aïkidôka d'un niveau rare qui suit le Maître depuis près de 30 ans, a enchanté elle aussi tous les pratiquants qui ont eu la chance de pouvoir partager avec elle les joies d'une pratique naturellement souple et puissante: du grand art là encore...
Certains cadres de l'Ecole TENDÔRYÛ étaient eux aussi présents.
Au Français Pascal OLIVIER, très apprécié en Allemagne, Belgique et Hollande où ses stages sont très courus, s'ajoutaient pour la circonstance des Professeurs de niveau extrêmement élevé comme Jos VANROY (Belgique), réputé pour sa technique sans faille et la rigueur de son enseignement, et que nous retrouverons bientôt pour un Stage en France;
Ludo PETERS (Pays-Bas), Peter PREHM (Hambourg, Allemagne), Claudia JÄNICKE (Berlin, Allemagne, elle dirigea l'entraînement régulier chez Pascal OLIVIER
le jeudi précédent le Stage), qui ont pu fraterniser avec des Maîtres d'autres tendances comme Jean-Gabriel et Jaqueline GRESLE (qui suivirent O Sensei dans les années soixante, et rencontrèrent le jeune SHIMIZU à cette époque!), Pascal HEYDACKER proche disciple du regretté Maître NOCQUET, Patrick BELVAUX élève de Maître ISSIER (après des débuts très prometteurs jadis chez Maître FLOQUET); Jean-Louis MIGNOTET, disciple de Michel COQUET, et Vincent et Philippe BRAJDIC, tous deux experts en Hakkô-Ryû Jû-Jutsu qui côtoient de très près également l'Aïkidô Tendôryû de par leur lien avec Pascal OLIVIER... Le jeune et très prometteur Issey TAMAKI (Ecole de Maître TAMURA) était au premier rang également, buvant les paroles du Sensei et mettant immédiatement en pratique les principes énoncés par celui-ci.
Que l'on nous pardonne les oublis, inévitables dans cette palette de pratiquants chevronnés et de chercheurs de Vérité.
Ce qui est formidable, c'est le niveau étonnament accessible de l'enseignement de SHIMIZU Sensei. Nullement élitiste dans son essence, il peut faire le bonheur et guider
utilement le pratiquant n'ayant que quelque mois de pratique; recherchant par contre l'excellence, il peut contribuer à remettre à niveau des pratiquants anciens qui, ayant perdu toute référence, auraient laissé leur propre pratique se diluer progressivement dans un style par trop personnel,
intéressant certes... mais parfois singulièrement éloigné de ce que devrait être l'Aïkidô.
La jolie Cécile AZAIS, dotée d'un véritable oeil de lynx, a immortalisé le Stage en prenant des clichés remarquables, qu'avec son accord nous sommes heureux d'inclure dans ce compte-rendu.
Une image valant mille mots, que penser du contrôle au sol de Maître SHIMIZU, le regard aiguisé semblant faire face à un éventuel intervenant situé hors de son champ d'action?
Sublime expression du ZANSHIN, l'esprit présent avant, pendant, après l'action... car ce n'est jamais fini...
Et ce Tsuki en esquive au Bokutô (sabre de bois, souvent appelé "Bokken" de façon quelque peu impropre) sur une attaque verticale, où se mesure toute la précision du Sensei...
Et ce Kokyû Nagé où le Sensei est entré en diagonale, cisaillant littéralement l'action voire l'intention de l'attaquant? Du grand Art, assurément.
Et ce sublime Koté Gaeshi où transparaît toute la spirale jamais contrariée de la technique du Sensei...
Le Stage de Maître SHIMIZU aura été une sacrée remise à niveau pour tous ceux qui pensaient peut-être connaître trop bien l'Aïkidô...
Nombreux sont ceux qui sont repartis avec le sentiment d'avoir approché de beaucoup plus près une sorte de Vérité intangible, dont la technique est un outil d'approche mais certainement pas la finalité; la sensation, aussi, d'avoir vécu la pratique avec une intensité (ZANSHIN) plutôt inédite, et avoir découvert par là-même une dimension insoupçonnée de l'exercice d'Aïki. L'impression, au fond, d'avoir renoué avec l'enseignement originel de l'Aïkidô tel que l'avait fondé et voulu Maître Morihei UESHIBA, illustre personnage qui légua à toute l'humanité son héritage technique et spirituel que, nous le savons maintenant, certains s'attachent à ne pas laisser tomber dans l'oubli.
Terminons par ces paroles quasiment proverbiales, souvent répétées par le Sensei dans son enseignement:
BU WA EN' NARI
EN' WA MAI NARI
BU WA MAI NARI ...
"L'Art martial (BU) est Cercle (EN')
Le Cercle est Danse (*)
L'Art Martial est Danse..."
Texte: Laurie PACE.
Photos: Cécile AZAIS.
(*) La Danse se situe ici dans le contexte traditionnel japonais, où la gestuelle fluide et partant du ventre (HARA) rejoint résolument celle en pratique dans tous les déplacements
du Budô: le ventre, ou le centre, collé au sol, la démarche souple et glissante, l'attention toujours extrême, sans temps mort ni hésitation...
|