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TENDÔ, la Voie Céleste (version 2) - Une révélation PDF Print E-mail
Thursday, 21 February 2008 15:50
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TENDÔ, la Voie Céleste (version 2)
Naissance d'une passion
une révélation
Hommage à un grand homme
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Une révélation

   

Si le Japon fut certes une révélation, ce ne fut pas du point de vue de l'entraînement.

Dans mon immense naïveté, l'Aïkidô japonais devait être forcément mieux que ce que j'avais appris en France. Et pourtant... Mon maître français ne détenait-il pas lui-même toutes ses connaissances "de première main"? L'acharnement qu'il mettait à vivre dans l'esprit du Budô, comme à nous transmettre également ce même esprit en même temps que la technique, n'était-il pas le meilleur gage d'excellence possible?

En ce qui concerne le Yôseïkan, je ne doutais pas un seul instant y trouver des pratiquants excellents, bien meilleurs que nous tous, plus anciens, plus expérimentés, plus assidus, qui effectueraient peut-être des mouvements plus courts, certes, mais forcément magnifiques, nets, précis, dépouillés, efficaces, que sais-je encore...

Quant à la spirale, à la pratique plus souple, ce que j'avais vu entre temps à Paris avec Maître NORO (j'y reviendrai) ne pouvait qu'avoir été entrée en matière: si j'avais assisté auprès de lui à des démonstrations éblouissantes où il n'était plus question uniquement de technique mais plus simplement d'harmonie, alors qu'est-ce que cela devait être au Japon, mère-patrie de l'Aïkidô! Forcément, cela devait être à peu près la même chose, mais en mieux.

Eh bien, la déception fut grande.

Trente années plus tard, la mâturité aidant, la désillusion aussi dans une moindre mesure, je comprends qu'il était vain et inutile de traverser ciel et mer pour prétendre aller chercher au bout du monde la même chose que ce que l'on avait déjà chez soi. "Comparez deux choses, et vous tuez les deux", nous dit à peu près Krishnamurti; on ne saurait dire les choses plus justement.

Il convenait simplement de s'affranchir de toute idée préconçue, de laisser au vestiaire également les connaissances déjà acquises, qui sont plutôt un fardeau qu'une aide dans ce genre de périple: il faut y aller avec la volonté d'apprendre, y compris quelque chose de très différent que ce que l'on sait, ou croit déjà savoir. Il faut savoir tourner la page, et écrire sur une feuille toute blanche, pour que l'expérience soit réellement bénéfique. Elle le fut dans une certaine mesure, évidemment, mais pas autant qu'elle aurait dû l'être.

De toute façon, il n'était pas question de regretter d'avoir fait le voyage, car le fait d'avoir vu et vécu soi-même une telle expérience, un tel dépaysement, voire une telle désillusion, tout cela était irremplaçable.

Les maîtres rencontrés pratiquaient un Aïkidô que je qualifierais de primitif, avec tout juste ce qu'il faut de spirale pour mériter le nom d'Aïkidô, mais pas plus... La philosophie semblait absente de leur enseignement, du moins pour ce que l'on pouvait en ressentir notamment au contact de leurs élèves, qui travaillaient de manière peu raffinée; les tatamis, plus durs que ceux auxquels nous étions habitués (c'est une constante au Japon), n'étaient pas du meilleur confort, sans oublier l'humidité excessive d'un mois de juillet radieux, qui rendait le moindre déplacement pesant, car les corps transpiraient avant d'avoir bougé.

Une visite d'un soir à l'Aïkikaï ou "centre mondial" (soupir...) se révéla être la plus grande des déceptions. Un maître réputé enseignait, si l'on peut dire (disons qu'il était présent, physiquement, dans la salle), à une poignée de gens, un Aïkidô (si l'on peut dire) sans forme ni consistance, et les gens se traînaient par terre sans élégance, se relevaient sans conviction, se vautraient dans des positions toutes plus affligeantes les unes que les autres... Je ressortis écoeuré, bel et bien désillusionné. Où était-il, ce fabuleux art martial dont il m'avait été donné d'entrevoir une partie du mystère en France, chez mon Maître mais aussi chez quelques autres dont la pratique était d'un tout autre intérêt que ce que j'avais sous les yeux en venant à Tôkyô?

Quant au Yôseïkan, la pratique prenait plutôt la forme d'un combat. Un à un, il fallait passer au milieu, et les élèves nous attaquaient à tour de rôle, et ô surprise dès que l'on essayait de placer un mouvement ils enchaînaient sur autre chose, crochetant une jambes saisissant un bras qui s'attardait, jouant de tous les moyens pour vous précipiter au sol et vous immobiliser.

Cela n'avait donc rien à voir avec l'enseignement si pédagogique de nos maîtres et instructeurs. Les techniques étaient courtes et linéaires, sans spirale, sans souci de la respiration (kokyû) ni de l'étirement du mouvement, ni de sa justesse... L'harmonie n'était évidemment pas non plus au programme. Il fallait juste que cela passe. Il était, dans ces conditions, hors de question de porter le Hakama, tenue traditionnelle si caractéristique de notre art.

La désillusion, donc, à tous points de vue, était grande.

Mais à côté de cela... La découverte de la civilisation japonaise était enchanteresse. Nous la découvrions avec un esprit tout autre que celui du simple touriste amateur de pagodes: notre expérience de l'Aïkidô, et la façon dont notre maître nous avait déjà enseigné les bases du reïgi, politesse, courtoisie et manière de se comporter notamment au sein du Dôjô, tout cela ne nous était certes pas étranger. Bien plus, nous subodorions la subtile relation entre la culture de ce pays fascinant et l'Aïkidô, ou le Budô en général. Ce qui est bien peu dire: toute la culture, toute la civilisation japonaise baigne dans le Budô, qui est la raison d'être originelle de tout un peuple, autour de laquelle tout s'est articulé depuis des millénaires, historiquement, culturellement, civilisationnellement. Il n'y a qu'à voir l'importance symbolique du sabre dans ce pays pour s'en convaincre. Un simple regard d'ensemble sur son histoire est également révélateur. Nous ne donnerons aux amateurs qu'un seul conseil de lecture, qui les mènera forcément chez quelque bouquiniste puisqu'il s'agit d'un ouvrage malheureusement épuisé: "Les Samouraï", de Jean Mabire et Yves Bréhéret. Magnifiquement illustré, tant par le style que par les évènements qui y sont relatés, ce livre est à coup sûr un grand classique, et ce qui a été écrit de mieux sur les sujets Samouraï et Japon, les deux étant forcément liés comme on l'aura compris.

Comment mieux décrire une civilisation qu'en donnant une description de ses personnages? Ils sont eux-mêmes les héritiers d'une culture séculaire, qu'ils ont dans les veines, quelles que soient les circonstances de la vie et au besoin les efforts faits pour s'en affranchir. Les jeunes générations ont tourné le dos à leur héritage; l'avenir nous dira si elles auront été capables de reprendre le flambeau, même différemment, et de préserver tout en mettant en valeur les caractères qui ont assuré au niveau mondial la renommée de leur nation. S'ils auront su également maintenir vivantes la tradition martiale qui n'est pas pour peu dans la réputation de leur pays; pour l'heure, en voyant le peu d'entrain des jeunes à faire carrière dans le Budô et l'attrait qu'ils ont pour un mode de vie facile, progrès oblige, rien n'est moins certain.

S'il était impensable, il y a encore 50 ans, pour un homme japonais de ne pas s'être nourri de culture classique, celle-ci faisant la part belle au Budô (cela n'explique-t-il pas l'esprit d'abnégation et de stratégie fort intelligente que nombre d'entre eux, parfois partis de rien, surent mettre en oeuvre pour développer ce qui devint bientôt l'économie la plus performante du monde?... A partir, soulignons-le, d'un pays totalement dépourvu de matières premières. Tout cela sans sacrifier pour autant les traditions qui, bien plus qu'ici, sont toujours vivantes par-delà les décennies): ainsi chacun se devait-il de maîtriser au moins l'un des trois arts martiaux les plus développés (l'Aïkidô n'était pas encore à l'ordre du jour): karaté, jûdô ou kendô.

L'on enseignait aux Américains qui partaient combattre dans le Pacifique d'abattre à vue tout ennemi japonais: "Au corps à corps, vous n'avez aucune chance, même s'ils sont de taille inférieure: ils sont tous formés aux sports de combat." Cette anecdote me fut révélée par un Américain très âgé qui était effectivement passé par là.

Alors qu'aujourd'hui, c'est bien connu, les mêmes Japonais sont devenus dans bien des cas la proie favorite des pick-pockets! C'est à tout cela que l'on mesure le chemin parcouru, si l'on peut dire, en matière de "démartialisation".

Eh bien, lors de mon premier voyage au Japon, il restait encore visiblement beaucoup d'individus des vieilles générations, chez lesquels on voyait au premier coup d'oeil, je ne dis pas une fierté, mais à tout le moins une prestance, qui trahissait un sens de la loyauté et de l'honneur dans beaucoup de cas.

Certes, les années passent, ici et ailleurs, et il ne reste plus que très peu de ces Très Anciens, témoins de tragédies et de retournements de l'Histoire comme en sut réserver le XXème siècle; à l'époque où je visitai le Japon pour la première fois il en restait encore un certain nombre, dont beaucoup évoluaient dans le milieu du Budô.

Qu'il me soit permis de dresser ci-après le portrait de l'un d'eux.
 

 

 



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