Tendoryu

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Du bon, du vrai cinéma nippon! PDF Print E-mail
Wednesday, 24 March 2010 11:36
Mercredi dernier, en revenant de donner un cours dans le Dôjô ami de Vincent et Philippe BRAJDIC, deux Budôkas très confirmés, deux êtres lumineux qui, avec l'appui de leurs élèves, recherchent depuis plus de 20 ans une parcelle de Vérité par la pratique du Budô, et avec lesquels j'entretiens une amitié particulière; revenant de leur Dôjô où j'avais, comme une fois par mois depuis plus d'un an maintenant, enseigné les principes de la spirale version Aïkidô Tendôryû, je jetais un coup d'oeil sur les programmes de notre pauvre télévision.
 
La télé, comme les journaux, est d'un conformisme affligeant, et cela fait quarante ans et plus qu'elle ne nous propose que des émissions abrutissantes, exception faite de quelques programmes de qualité, du type "des Racines et des Ailes", etc., toujours intéressants et d'un niveau culturel digne de notre Histoire.
 
A part cela, l'expérience a montré qu'il faut attendre 23 heures passées pour espérer pouvoir tomber sur un programme intéressant, qu'il s'agisse d'Histoire, de faits marquants ou d'actualité. Cette fois, tombant sur Arte, notre chaîne franco-allemande qui propose il est vrai des programmes souvent intéressants, je suis surpris d'entendre causer du japonais ancien à l'écran. Ayant raté la première moitié du film, j'envisage de ne regarder que quelques minutes car il se fait déjà tard; finalement je resterai planté devant la TV jusqu'à minuit passée, tant le film qui se déroule sous mes yeux est captivant, passionnant, émouvant, et magnifiquement joué.
 
L'acteur principal, Hiroyuki SANADA, est très connu au Japon; on l'a vu jouer le maître d'escrime dans "le Dernier Samurai" (il donnait de sérieuses raclées à l'apprenti guerrier américain); cette fois, il joue encore le rôle d'un samurai, personnage qui lui sied parfaitement tant ses manières polies et raffinées font ressentir l'esprit de dignité qui doit forcément être celui d'un chevalier de l'Ancien Japon.
 
C'était donc cela!...
 
Expliquons-nous.
 
N'est pas Samurai qui veut! ... Et "l'habit ne fait pas le moine" ! Je saisis maintenant, en voyant ce film et l'apparence de notre héros, qu'il est le personnage amateur de japonaiseries, en l'occurence de japo-niaiseries, l'homme-qui-voulait-être-connu et ne reculait devant rien pour parvenir à ses fins. Incapable de briller par ses qualités de technicien, il tente de damer le pion de ceux qui ont pourtant été loyaux avec lui. La mise pré-fabriquée de ce personnage d'opérette ne fait que confirmer le peu de valeur intrinsèque de notre bonhomme, réduit à se puiser une authenticité chez un acteur de films de Samurai. Il ne pourra jamais être que le maître des toquards, tant ses agissements sont opposés à l'éthique enseignée par le Budô authentique. Il ne pourra faire illusion, et encore que de façon temporaire, que chez les gogos amateurs d'un orientalisme de pacotille; de ces bobos qui se gargarisent du mot "Zen" sans en connaître le sens, car chez eux, n'est-ce pas, Zen est synonyme de "cool", c'est-à-dire de relâchement et de fatalisme, soit l'inverse exact des principes véhiculés par le Budô. (Pardon, cette mise au point s'imposait.) Refermons la parenthèse.
 
Titre du film: "le Samourai du Crépuscule", de Yôji YAMADA, sorti en 2005. (plus sur imdb)
 
Yôji YAMADA (en japonais, on le dit en sens inverse, et donc YAMADA Yôji, cela sonne mieux) est un réalisateur très connu, notamment pour avoir fait la série de Tora-San, le fameux "Otoko wa tsurai yo!" ("Dur, dur d'être un homme !..."), du bon vieux cinéma à la papa, un peu l'équivalent d'un Jacques TATI chez nous avec ses films à l'humour bon enfant et un tantinet vieillots.
 
Mais le film dont il est présentement question est d'un tout autre ordre.
 
Je le recommande chaudement à tous les amateurs de Budô authentique, car, et le fait est suffisamment rare pour être mentionné ici, je dois dire que, très exigeant et pointilleux sur la qualité dans le domaine du Budô, et habitué à être largement déçu dans la plupart des films historiques du Japon dès lors que le héros sort un sabre ou se met en garde, j'ai cette fois-ci bu du petit lait.
 
Dans "Après la pluie", par exemple, bien que les personnages soient hautement sympathiques, les décors, les ambiances sont un peu forcés, et l'acteur principal Akira TERAO (également chanteur-compositeur connu) ne sait visiblement pas tenir un sabre. C'est à coups d'effets spéciaux et d'images-éclair que l'on parvient à donner au spectateur l'illusion de la fulgurance dans les affrontements martiaux.
 
Il en va tout autrement dans notre "Samurai du Crépuscule". S'agit-il d'une doublure? La scène où l'on voit le héros s'entraîner dans la pénombre en vue d'aller déloger un de ses semblables qui s'est retranché dans une maison et refuse de se rendre, est un véritable délice.
 
D'une part, la façon qu'il a d'extraire le sabre, de la manier, de le rengainer, est des plus authentiques, et rendrait jaloux bien des "sensei" aux mouvements imprécis et précipités. Tout est là, en effet: spontanéité, fluidité, rapidité, naturel dans le geste, précision, efficacité aussi, bien sûr...
 
D'autre part, pour une fois, il est fait montre d'un fait que peu de gens connaissent, et que peu de Sensei reconnaissent: les katanas du passé étaient généralement plus courts et plus maniables que les copies modernes et autres "iaïtôs", habituellement trop longs, trop droits, trop massifs, trop lourds, souvent mal équilibrés (le poids concentré dans la poignée par exemple).
 
L'on arguera bien sûr que les Japonais du passé étaient plus petits, et donc maniaient forcément des sabres plus courts. A cela on peut répondre que dans une situation réelle le sabre s'utilisait principalement à une seule main (la droite), et que ce n'était que pour trancher que la seconde intervenait. Voilà la vérité historique!
 
Pratiquants parisiens, rendez-vous donc au Louvre des Antiquaires par exemple où Monsieur MAGNIER expose des sabres authentiques d'une grande beauté; le simple fait de les contempler à travers la vitrine vous procurera un plaisir certain, et si le coeur vous en dit et que vous n'êtes pas trop sensibles aux morsures (je plaisante! --- il faut toujours préciser car il y a des gens qui prennent tout pour argent comptant), aventurez-vous à vous renseigner auprès du maître des lieux, qui avec son vrai faux air de Mesrine vous apportera tous les détails possibles.
 
La scène finale du film est également saisissante. Le Samurai retranché, en garde avec son katana long, fait preuve d'un magnifique zanshin: l'action précédant l'action, l'action pendant l'action, l'action après l'action... Et la distance entre les deux combattants est parfaite même lorsqu'ils sont en mouvement, ce qui n'est pas chose aisée. Qui ne connaît pas la difficulté de maintenir cette distance idéale ( ma-aï, ou ma-waaï ) dans l'action, surtout dans le travail des armes?
 
Recommandons à tous les Budôkas, apprentis et confirmés, de voir ce film au moins une fois.
 
Cela nous rappelle que la culture japonaise authentique repose quasiment entièrement sur le Budô, et que le Katana en est un élément essentiel. Saint-François, l'un des premiers occidentaux à accoster au Japon, remarquait d'ailleurs que les hommes de ce pays veillaient à leur tenue, à leur maintien, et qu'ils avaient de magnifiques armes dont ils s'enorgueillissaient volontiers.
 
Il est vrai que, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, le Budô est en quelque sorte devenu le parent pauvre de la culture japonaise. Alors que dans les années 30 il existait un BuTokuKaï, ou Association (pour le développement) des Vertus Martiales, le dérivatif trouvé à la poursuite de la pratique des Budô a été de les inclure au programme des activités universitaires, au même titre que le ping-pong ou le base-ball. Inutile de dire que dans un tel cadre, l'esprit est relégué au second ou même au troisième plan, au profit du résultat sportif. Cela peut entraîner certains jeunes à devenir d'excellents techniciens en Karaté ou en Kendô; pour l'Aïkidô, en revanche, la pratique universitaire purement physique et sans âme est plus propre à le dénaturer.
 
Il est vrai que le militarisme acharné d'une courte période a entaché le Budô, comme si les abus d'une caste autocratique devaient rejaillir forcément sur l'ensemble des Arts réputés depuis des siècles pour la noblesse qu'ils tendent à développer chez l'individu.
 
Lorsque l'on voit les représentations officielles de la Culture japonaise à l'étranger, l'on s'aperçoit que tout ce qui est martial en est délibérément écarté, mis sous le boisseau, comme s'il s'agissait d'une maladie honteuse. L'on met en avant des artistes modernes qui rivalisent avec leurs homologues européens et américains pour réaliser des oeuvres abstraites ou tortueuses, au mépris d'un socle civilisationnel auquel d'aucuns, et souvent les officiels, ont résolument tourné le dos.
 
Or il doit être bien compris que prétendre saisir l'essence de la civilisation japonaise sans jamais avoir pratiqué un art martial de ce pays équivaudrait à apprendre à faire du vélo sur des bouquins, sans jamais se lancer sur un deux roues: il ne peut en résulter que des connaissances cérébrales souvent malvenues, car la vraie civilisation du Japon, à l'instar de tout ce qui se fait dans le Budô, ne se réfléchit pas: elle se ressent, se saisit, par la peau et avec tous les sens en éveil.
 
Quiconque n'a jamais tenu un sabre authentique ne peut prétendre l'avoir approchée véritablement.
 
Remarquons au passage que le même phénomène se retouve auprès des services culturels français à l'étranger: la simple visite d'une antenne culturelle ne peut qu'inviter le bon Français moyen à se poser la question "Mais qu'est-ce que je fous là?", tant est large le fossé qui sépare la culture populaire vécue au quotidien par les autochtones, et l'image que tentent de véhiculer certaines élites autoproclamées qui naviguent pour le coup sur le nuage de leurs propres illusions.
 
 
Last Updated ( Wednesday, 24 March 2010 12:02 )
 

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