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Izu 2009: Dernières impressions PDF Print E-mail
  
Tuesday, 27 October 2009 21:22
Dernières impressions du Séjour.
 
 
 
Généralités sur la contrebasse, la harpe et le koto.
 
Eh non, chère Laurie, le koto n'est pas une contrebasse, et son son n'est ni vibrant, ni plaintif, bien au contraire! C'est à croire que vous n'en étiez pas, ou bien que votre esprit était ailleurs --- par exemple, accaparé par les plis ((en guillemets)) sur les joues de la jolie musicienne?
 
N'importe quel dictionnaire vous enseignera que le Koto est un instrument à cordes pincées, au son clair, un peu comme celui d'une harpe. D'ailleurs, le harpiste de la rue Daguerre, naguère, faisait vibrer sa harpe alla giaponesa dès que se profilait une âme nipponne dans son champ de vue, et l'effet était saisissant.Il est vrai que, en authentique Musicien accompli, il avait lui-même appris le koto au Japon, mais ne nous éloignons pas de notre sujet.
 
Oui, je vous rejoins sur ce point: la soirée du 18 fut mémorable, et comme vous le dites si bien, cela valait mille fois le prolongement de notre séjour, non seulement pour l'excellence des mets servis, mais surtout pour les rencontres, les retrouvailles, les mises au point, les ambiances, les dits, les non-dits (nous sommes dans le domaine du Budô, et l'intuition vaut parfois plus que le verbe exprimé: c'est l'un des enseignements majeurs de l'Aïkidô), la bonne humeur générale, la franche camaraderie, enfin. Tout était très, très bien. Et il y a même eu une suite après votre départ, chère Laurie...
 
 
L'après-soirée du 18.
 
En sortant, nous retrouvons un peu par hasard un pratiquant et ami allemand qui nous propose d'aller boire un café ensemble; nous acceptons avec plaisir, mais voilà qu'un monsieur se joint à nous sans trop nous demander notre avis d'ailleurs, mais soit, ne soyons pas sectaires. Ce monsieur japonais, coiffé d'un chapeau gris, nous emmène à travers un dédale de ruelles, que dis-je de passages pas plus larges que notre rue-du-chat-qui-pêche à Saint-Michel, et nous atterrissons en un immonde boui-boui rempli par un unique client, un salarié d'un certain âge échoué là par désoeuvrement et tenant le crachoir avec l'aubergiste qui n'a vraiment pas un air de cuisinier, chauve sur le dessus, hébété, la lippe inférieure débordante, et l'oeil pas commercial pour deux sous.
 
Nous nous trouvons à 5 autour d'une de ces tables basses qui ont l'agréable particularité de vous scier les genoux, et nous trinquons une première fois à l'amitié des peuples, et hop! une première choppe de bière débordante, et on remet çà juste après, les verres tintant à s'en rompre, mais qu'importe: l'ambiance est bonne! On se croirait en 1950. Le lieu, qui n'a pas dû être rénové depuis cette année-là, le patron qui semble venir d'un autre âge, et notre hôte avec son chapeau, bredouillant ses formules convenues en anglais, en allemand et en français; rien que pour cela, l'expérience valait le coup.
 
Notre hôte commande de la nourriture, et nous protestons; l'aubergiste lui rétorque d'une voix grave: "Mais non! Vos invités sont gavés, vous voyez bien, ils n'en peuvent plus!" Gavés, au sens de l'estomac plein, bien sûr.
 
Nous sortions à peine de table où nous avions mangé et bu, le teint étincelant, car, là, bruni à souhait par les verres de vin bus au cours de la Soirée du Tendôkan; or nous voilà bientôt avec chacun un bol de riz, une soupe, des fruits de mer assortis, et comme si ce n'était pas assez M. ISHII (c'est son nom) commande des tetrodons pour tout le monde! J'ai beau protester, le restaurateur également, rien n'y fait... Nous verrons donc arriver sur une assiette cinq petits "Fugu" blancs, effilés et baignant dans leur jus. En d'autres circonstances, j'aurais volontiers tenté l'aventure, car le fugu, poisson empoisonné vidé de son venin, est très connu pour être un met de choix; mais là, après le festin du Ginza Aster, vraiment, pas moyen d'en avaler une seule bouchée.
 
En fait, M. ISHII est fabricant de tatamis d'entraînement, et il fournit le Tendôkan depuis 40 ans. Les tatamis ont été changés quatre fois depuis l'ouverture du Dôjô, d'après ce qu'il nous dit. Il travaille exclusivement sur le marché asiatique, qui lui suffit amplement car son entreprise est petite; aussi sa démarche de ce jour ne revêt-elle aucun aspect commercial contrairement à ce que l'on pourrait croire.
 
En Allemagne comme en France, d'après lui, le marché est assez impénétrable, car ces deux pays fabriquent leurs propres tatamis d'entraînement au moins depuis les Jeux Olympiques de Munich de 1972, sans parler de la concurrence bas prix - basse qualité du sud-est asiatique; il est cependant dommage (là, c'est moi qui émets un avis) que ses produits ne parviennent pas chez nous car en les manipulant lors du Stage à Izu nous avons pu remarquer à quel point ils étaient légers (la moitié du poids d'un tatami classique) pour une qualité de chute excellente et un revêtement plastique très agréable au contact du pied.
 
Monsieur ISHII nous quitte après environ trente minutes de conversation, avec autant d'empressement qu'il en avait mis à se joindre à notre groupe! C'est cela que j'aime chez les Japonais: les choses peuvent être très rapides, très concises, on ne se répand pas en propos inutiles, on dit ce que l'on a à dire, et ensuite, bonsoir!
 
Nous terminerons la soirée à minuit et demie avec nos amis allemands, à boire un dernier verre dans un bar de sous-sol très spacieux et très propre, faisant le plein de bonne énergie en échangeant des propos extrêmement encourageants sur notre carrière future et respective qui, à à peine un demi-siècle d'âge, ne fait que commencer.
 
 
Dernières heures à Tôkyô.
 
Avant de repartir,"je" m'offre un séjour d'une nuit et un jour dans un Onsen de la région de Gunma. Il s'agit d'un dédale de bains privatifs, à moitié enfouis sous la caverne rocheuse, débouchant parfois en bout de course sur une rivière, et portant des noms pittoresques mais peu rassurants lorsque l'on se retouve le soir à minuit dans une source de montagne et que la nature profonde du Japon vous entoure, voire vous enveloppe: Kappa (petits êtres mi-humains, esprits des rivières, que l'on s'attend vraiment à voir surgir d'un coup), Tennyo (La Femme Céleste), Ryû (le Dragon), ... Tout comme lors du Stage à Izu, nous passons tout le temps en Yukata (kimono d'intérieur), et les repas sont servis dans une maison très ancienne, dans de petits salons privés, aux portes coulissantes ouvertes avec discrétion par les employés lorsqu'ils servent et desservent les plats... Des plats encore très raffinés, variés, c'est un défilé de couleurs, de saveurs, de goûts, de parfums... C'est dans cette cuisine japonaise ancestrale: de tout, mais en petite quantité, cuisiné avec le plus grand soin, que puise son inspiration la fameuse "Nouvelle Cuisine" de nos grands Chefs. Ce qui était possible avec la cuisine japonaise ne l'était-il pas avec notre cuisine, bénéficiant elle aussi d'une longue tradition? Il faut avoir goûté la cuisine japonaise locale et authentique pour le comprendre.
 
Le retour à Tôkyô sera bref. Une longue promenade dans le quartier de Kanda, avec ses bouquinistes et se librairies, les plus grandes et les mieux achalandées. Au 2ème étage de la meilleure d'entre elles, Shosen Grandé, un vaste rayon entier de livres sur le Budô, que l'on ne trouve nulle part ailleurs. Je retrouve quelques éditions anciennes, originales ou réimprimées, comme le AIKIDO GIHO ("Manuel d'apprentissage des techniques de l'Aïkidô") écrit à la fin des années 50 par Kisshômaru Ueshiba. Il s'agit d'un petit ouvrage didactique sur l'Aïkidô mais, époque oblige, les photos sont rares, figées et de qualité discutable. Le texte est très explicatif, mais ne correspond plus à ce que l'on peut rechercher dans un livre sur l'Aïkidô.
 
 
Ma petite bibliothèque: j'ai lu pour vous...
 
En revanche, un autre ouvrage du même Kisshômaru UESHIBA retient toute mon attention. Il s'agit de AIKI SHINZUI, "L'Essence de l'Aïki", qui est un regroupement de speeches et de paroles d'Ô SENSEI, ayant trait à l'esprit, l'essence spirituelle de notre art. Bien que d'un abord parfois peu aisé, j'en fais l'acquisition; l'on a tout loisir de lire tranquillement ce genre de livre, même s'il faut y passer des jours, des semaines ou des mois.
 
Un dicton japonais nous enseigne: "Relis cent fois ton texte, et tu le saisiras". D'expérience, je peux affirmer qu'il en va ainsi. Tel texte qui semble inabordable devient peu à peu accessible car notre esprit, à force de lire et de relire, trouve des points de repère, qui permettent peu à peu d'y voir clair, jusqu'à ce qu'un beau jour le sens en devienne limpide... L'esprit se façonne à l'exercice, qui est une forme d'entraînement mental; ceci est vrai dans tous les domaines. Je parle d'expérience, car lorsqu'en 1984 parut ZEN ET AIKIDO, de Maître SHIMIZU, je le lus par une sorte d'obligation, en n'en comprenant que 5% à la première lecture; aujourd'hui, après l'avoir relu dans tous les sens, annoté en marge, disséqué (sans dictionnaire, je précise!) dans ses expressions et caractères, je le saisis à 95%. Encore un petit effort...
 
Un autre ouvrage acquis en même temps et qui fait vraiment mon bonheur, c'est AIKIDO DE SATORU. Agrémenté de nombreuses photos d'Ô SENSEI dans la vie quotidienne, et constitué de multiples chapîtres assez courts, tous suivis d'un encadré ayant valeur de morale philosophique, ce livre est écrit dans un japonais un peu vieillot et doctrinal qui ne manque pas de charme. Il est l'oeuvre de Kanshû SUNADOMARI, aujourd'hui âgé de près de 90 ans s'il est toujours en vie (?). Maître SUNADOMARI créa le Dôjô de Kumamoto, à Kyûshû, où Ô SENSEI lui rendit visite et le gratifia de belles calligraphies dédicacées.
 
Ayant rejoint Maître UESHIBA vers l'âge de 18 ans, SUNADOMARI ne saisit pas tout de suite les enseignements du vieux maître (comme c'est d'ailleurs aussi le cas de nombreux autres, comme notre Maître SHIMIZU aussi); des dizaines d'années ayant passé, et l'âge faisant son oeuvre, il ressentit sa pratique éclore (d'où l'expression de satoru, verbe signifiant s'illuminer, trouver la Vérité) et passa toute sa vie à enseigner avec passion.
 
Je pense qu'il appartient à cette génération marquée pour la vie par la rencontre avec Ô SENSEI. D'autres comme HIKITSUCHI avaient peut-être une approche semblable; forcément différente, mais finalement assez parallèle de l'Aïkidô, où il n'était plus question de réaliser de belles techniques, mais de répondre à une situation de manière non-réfléchie et instantanée, fulgurante parfois... C'est le summum de l'Art, l'instant où la technique appliquée n'existe plus, où il n'est plus question que de Vie, donc d'Harmonie... Merci, Grands Maîtres, de nous avoir éclairés de vos fulgurances.
 
Je n'ai vu Maître SUNADOMARI en démonstration qu'une seule fois, en 1987; si son style étonnait par son côté non technique, tout en esquives et en mouvements dans l'instant, il est indéniable qu'il avait acquis ou recelé une parcelle de l'héritage du Fondateur, ne serait-ce que par le timing absolument sans faille dont il faisait preuve lorsque plusieurs de ses élèves l'attaquaient en même temps au bokutô ou au jô. Une démonstration saisissante, mais très personnelle. Et Dieu sait si je n'ai pas le compliment facile...
 
Qu'il me soit permis de vous lire et transcrire un tout petit passage, pour vous donner le ton général de l'ouvrage et les trésors qu'il recèle --- même si la conclusion de plusieurs chapîtres est que, décidément, c'est bien SUNADOMARI qui a raison, etc.
 
Il s'agit d'un morceau de la page 40.
 
"L'Aïkidô fait oeuvrer toutes les forces de l'Univers,
Créant un monde de Beauté, d'Absolu et de Paix.
 
Un monde pacifique ne pourra naître que si chacun, chaque homme ou femme,
Renonce à considérer l'Autre comme un ennemi ou un concurrent,
Et extirpe de son propre esprit la notion de dualité.
 
L'on aurait beau construire un système social magnifique,
Aussi longtemps que l'homme n'améliorera pas son Coeur,
Il ne naîtra pas un monde meilleur.
 
Dans les principes fondateurs de l'Aïkidô, il est dit:
 
"L'Aïkidô est Amour  (nb: dans le sens "d'Amour Universel") .
Il faut que chacun accomplisse
La Mission qui lui est impartie
En ayant en son Coeur
Ouvert à l'Immensité Céleste et à la Terre (TEN & CHI)
L'Amour Universel et Protecteur
De chaque Être & de chaque Chose:
Telle est la vocation du Budô!"
 
L'Esprit qui unit Ciel & Terre
L'Esprit sans haine et tout empreint
De l'Amour des Êtres et des Choses,
L'Amour qui donne et qui nourrit,
Le Grand Amour Universel,
C'est ce qu'il faut cultiver
Dans notre Coeur
Pour en étreindre
Toute la Création.
 
L'Aïkidô n'est pas fait pour mettre l'Autre par terre. Il est le chemin consistant à absorber l'esprit de l'attaquant, de ne faire qu'un avec Lui, et de prospérer ensemble dans l'Harmonie.
 
Par l'apprentissage des techniques, nous apprenons à ne plus considérer l'Autre comme un adversaire, à nous libérer du désir de le combattre.
 
C'est là que réside le Chemin de l'Union de l'Esprit & du Corps."
 
 
Voilà! Le ton est, je vous le disais, quelque peu doctrinal. Le rendu en langue française ne vaut pas celui du japonais; aussi encouragerai-je les pratiquants apprenant cette langue à attaquer ce type de texte sans a priori et sans se mettre de barrières. Il ne faut pas avoir peur de sortir des sentiers battus!
 
 
Retour.
 
Le retour à la réalité d'ici est, comme toujours, déphasant. En débarquant, je ne sais même plus utiliser les euros! Je cherche en vain une pièce de 5, avant de me souvenir qu'il n'y en a pas. Confusion avec la pièce de 500 yens... Retour au Dôjô. Le Cheminement continue. Ce n'est que le début...
 

Pascal OLIVIER.
 

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